Farago France > Actualités > Les rats, un enjeu sanitaire majeur
14 octobre 2024

Leur impact sur les réserves alimentaires et les dégradations occasionnées sur les équipements sont bien connus. On sous-estime encore trop souvent leur potentiel de dissémination de pathologies. Du fait de ces éléments, il est fortement recommandé de proposer la mise en place d’un plan de lutte préventive ou curative à tous les sites à risque.

 

Les rats, un risque sanitaire majeur pour l’Homme

 

Les bâtiments attirent les rongeurs car ils représentent une source de chaleur et de nourriture lorsque les conditions extérieures deviennent difficiles (fin d’automne). Au-delà des dégradations qu’ils occasionnent, ils présentent un risque sanitaire important par la transmission de maladies.

 

Rat noir et rat brun, deux espèces distinctes…

 

On retrouve sur le terrain deux espèces :

       Le rat noir est plus spécifique des milieux agricoles (rat des champs). Rattus rattus se distingue de son congénère par une couleur foncée, un profil élancé, de grandes oreilles et une queue longue. C’est un animal nocturne, très méfiant et qui affectionne tout particulièrement les céréales et les fruits. Il niche en hauteur, dans les greniers ou les bâtiments agricoles. Originaire d’Asie, il est présent de longue date en Europe et a colonisé le monde avec les transports maritimes.

       Le rat brun (ou ras gris ou surmulot) est devenu le plus commun en France. Plus robuste, Rattus norvegicus a envahi l’Europe au 18e siècle, supplantant progressivement le rat noir. Il s’est adapté à tous les milieux et vit aussi bien en campagne qu’à la ville (rat d’égout). Omnivore, avec une préférence pour les graines et la viande, il s’installe à proximité immédiate d’une ressource alimentaire et vit dans des terriers, avec une organisation hiérarchique très élaborée.

 

… avec une même capacité de reproduction

 

La gestation dure environ 21 jours et, en théorie, une ratte peut mettre bas tous les mois, même si on observe plutôt 3 à 5 portées par an. Avec de 5 à 10 petits à chaque fois et une maturité sexuelle dès 2 mois, si la nourriture disponible est suffisante, la population peut très rapidement exploser. Dans les grandes métropoles, le ratio est de 1,5 à 1,75 rat brun par habitant ! Cela explique la nécessité de maintenir un plan de surveillance et de lutte contre ces rongeurs dès que le risque est identifié.

 

Un rôle majeur dans la diffusion de pathologies, notamment de zoonoses…

 

La maladie la plus célèbre transmise par le rat noir est la peste bubonique, qui a décimé les populations européennes au milieu du 14e siècle. Plus globalement, 20 agents zoonotiques ont été identifiés comme transmissibles par Rattus rattus et 48 par Rattus norvegicus et on observe de plus en plus de signalements cliniques depuis 2003. Le développement du rat blanc comme animal de compagnie est un facteur de risque aggravant. En France, on retrouve des pathologies virales comme le cowpox, la variole du singe, l’hépatite E ou l’hantavirus de Séoul, ou des parasites comme la toxoplasmose.

 

… et tout particulièrement la leptospirose

 

De nombreuses bactéries peuvent être transmise par les rats : bartonelles, pasteurelles, salmonelles, fièvre Q, rickettsies… mais les plus importantes sont les leptospires. Suivant les études, de 12 à 25 % des rats bruns en seraient porteurs. La maladie se transmet principalement via l’urine et les personnes ou animaux exposés le sont surtout au contact d’une eau souillée. Les symptômes sont peu évocateurs : fièvre, céphalées, nausées, douleurs articulaires. Si la maladie n’est pas traitée rapidement, les complications possibles sont neurologiques, hépatiques ou rénales. Un vaccin contre le sérovar Icterohaemorragiae existe, il peut être recommandé aux professionnels par le médecin traitant ou le médecin du travail.

 

Une problématique méconnue, la diffusion de bactéries antibiorésistantes

 

Les rats bruns vivent souvent dans des milieux très contaminés (fumiers, égouts, proximité des poubelles, …) et interagissent avec des matières fécales ou des urines. Ils se retrouvent exposés à des bactéries humaines et animales qui peuvent être résistantes aux antibiotiques, les hébergent et les diffusent. Une étude a été menée en Autriche pour évaluer ce portage et le quantifier. 60 % des rats analysés étaient porteurs de staphylocoques résistants à la méthicilline et 14,5 % d’entérobactéries résistantes aux beta-lactamines. Ces rongeurs jouent donc un rôle de réservoir de bactéries antibiorésistantes et de contamination de l’environnement. Pour les techniciens, cela vient rappeler la nécessité de se protéger par le port d’équipements de protection individuels (gants systématiques, combinaisons jetables, port de masque dans les lieux clos, bottes ou cuissardes dans les égouts).

 

Une nécessaire sensibilisation des clients…

Face à ces enjeux sanitaires, les professionnels des secteurs concernés doivent mettre en place un plan de lutte. La gestion s’appuie principalement sur un postulat de base : rendre les lieux inhospitaliers aux rats. Cela passe par le stockage sécurisé des réserves alimentaires (mise en silo) ou des déchets (poubelles non accessibles) et l’étanchéité des locaux. Si l’objectif est le « zéro rongeur » (métiers de bouche, industrie agro-alimentaire…), il est indispensable de respecter deux aspects primordiaux :

·       s’en préoccuper même si on ne relève aucune trace de nuisance,

·       mettre en place un nombre de postes d’appâtage minimum qui seront témoins de leur présence.

 

… et un plan de lutte à adapter au contexte

En cas d’infestation avérée, trois types de lutte sont recensés :

·       La lutte chimique, la solution historique

Celle-ci est de loin la plus répandue et la plus efficace. L’ingestion répétée d’appâts anticoagulants provoque la mort dans un délai de deux à quatre jours après consommation d’appâts. Ceci évite au rat, animal méfiant et avisé, de faire la relation entre les appâts et les éventuels cadavres. Les anticoagulants bloquent le phénomène de coagulation sanguine en inhibant la vitamine K. Ils peuvent être toxiques pour tous les animaux et en cas d’ingestion accidentelle, le seul antidote est une administration rapide de vitamine K1. Compte-tenu de la dangerosité de ces produits, il faut les rendre inaccessibles aux humains et aux animaux de compagnie : postes d’appâtage sécurisés, mise en place dans les combles ou les vides sanitaires. La réglementation encadre de manière très stricte la lutte chimique.

 

… la lutte physique, complément de la lutte chimique…

En complément de la lutte chimique, le piégeage des rongeurs s’effectue à l’aide de pièges mécaniques, qui peuvent être connectés. Quant aux appareils à ultrasons, ils ont une action perturbatrice les premiers jours mais sont peu efficaces dans la durée. En s’accoutumant au bruit, les rats finissent par se préserver de cette nuisance sonore en se cachant mieux.

 

… et la lutte biologique, anecdotique

Cette action obtenue grâce à la présence d’autres espèces (chats, chiens, buses…) reste anecdotique. Il convient de rappeler que cela ne peut être une solution de gestion des rongeurs.

Dr Boris BOUBET (GDS Creuse) et  Aurélien LEGRAND (Farago Creuse).